Le 1er novembre au matin, nous arrivons avec Guillemette à la Paz. Je ne me sens pas bien du tout, je sens que ca va être compliqué. On se sépare avec Guillemette car nous ne sommes pas dans les mêmes hostels. Le mien est censé être tout proche à pied, mais cela me parait insurmontable et interminable. Je commence à vraiment me sentir faible, à voir des étoiles, à transpirer, j'ai qu'une envie c'est de balancer mon gros sac et de me mettre à pleurer. Mais je tiens le coup, et après m'être perdue pendant une bonne demi heure, je trouve l'hostel, qui était vraiment à deux pas de la gare.

J'ai choisi l'Adventure Brew Hostel, que je ne vais au final pas aimer (mis à part leur petit dej à base de pancakes). L'hostel est grand, impersonnel, et les gens me paraissent tous très jeunes. Personnel pas aimable, moi au bout de ma vie, ca va être compliqué.

Je passe au final ma 1e journée au fond de mon lit, impossible pour moi de faire quoique ce soit.

Guillemette finit d'achever ma journée en me disant qu'elle s'est fait voler son ordinateur dans la soute du bus. Quelqu'un avait en effet dormi dans la soute, et s'est donc servi dans les sacs. Heureusement que je mets toujours ma housse de transport avec un cadenas, sinon j'aurais eu le même traitement.


Le 2 novembre, je ne suis toujours pas en forme mais je veux profiter un minimum de connaitre la ville. Je me force à faire le Free Walking Tour (les Red Cap) de 11h, qui sera le meilleur free walking tour de mon voyage. On commence devant la prison de la place San Pedro, puis nous passons par un petit marché local, le marché Rodriguez. Le guide nous explique qu'on peut réclamer notre "Yapa" si nous achetons quelque chose au marché. Cela signifie un petit extra gratuit. Un autre fact intéressant du marché: il existe 400 espèces de pommes de terre en Bolivie.


Après cela, on s'arrête pour avoir une explication sur les cholitas, les fameuses boliviennes avec de grandes nattes, un chapeau, des gros mollets et une longue jupe rembourrée. Leurs longs cheveux sont signes de beauté, tout comme les longues jupes qu'elles ont adopté après la colonisation des espagnols. Le rembourrage des jupes est pour montrer aux hommes qu'elles ont le bassin et les hanches bien larges et qu'elles sont donc capables d'avoir beaucoup d'enfants. Les gros mollets sont aussi flatteurs car cela montre que ce sont des femmes fortes, qui peuvent porter beaucoup de poids. Les chapeaux viennent d'Europe: quand ils sont droits sur la tête, cela signifie que la cholita est mariée. Quand il est sur le côté, c'est qu'elle est libre.


Nous continuons notre tour au marché des sorcières, où l'on peut trouver notamment des potions magiques (pour la fortune, l'amour...) mais encore plus surprenant, des foetus de lamas morts. On nous explique qu'en Bolivie, les gens sont très superstitieux. Quand on a un projet immobilier, on doit tout d'abord donner en offrande un foetus de lama à la Pachamama, sinon les ouvriers ne se mettront pas à travailler de peur des représailles. Encore plus dingue (mais vrai apparemment), quand on a un très gros projet immobilier, il faut parfois faire de plus grosses offrandes, comme tuer un être humain. C'est ainsi que certains toxico / alcooliques ont pu disparaitre du jour au lendemain... il faut donc être prudent ! A lire à ce sujet: I was drink but I remember.


Nous finirons le tour en plein centre, sur la place San Francisco, au pied de la cathédrale,

puis sur la place Murillo, où se concentre le centre administratif et politique de Bolivie. Derrière le palais présidentiel actuel, Evo Morales a dépensé une fortune pour faire construire une tour horrible, très haute et très imposante, symbole de sa puissance. Dans cette tour, il pense installer ces nouveaux bureaux (on l'aperçoit en construction ci dessous sur la 2e photo).

Surprise pour la fin du Free Walking tour: on trinque avec un shot d'alcool local, et surtout nos deux guides délient leurs langues pour nous raconter différents faits sur Evo Morales, le président actuel bolivien.

Il a eu un impact très positif à différents niveaux:

  • Il a racheté beaucoup d'entreprises privées
  • Il a mis en place les cablecar pour regrouper plus facilement toutes les classes sociales
  • Il a construit beaucoup d'écoles et a rendu l'éducation gratuite
  • Il a créé beaucoup d'hôpitaux
  • Il a créé un bonus financier pour les femmes qui sont enceintes
  • Il y a moins de discrimination envers les cholitas


Par ailleurs, il y a encore beaucoup de corruption visible. Par exemple, il a modifié la constitution pour être légitime à se faire élire une 3e fois président. Il est également très maladroit dans ses propos. A lire à ce sujet: Evadas.


L'après midi, je repars de mon côté et passe mon après midi toute seule. J'avoue qu'avec mon état pas top top, j'aurais bien passé la journée accompagnée. Tant pis, je veux tout de même profiter de ma dernière après midi à la Paz. Je pars donc pour le mirador Kili Kili. Mais quelle histoire pour l'atteindre! J'ai attendu trèèèès longtemps avant qu'un taxi ne se pointe (car jour férié) et qu'il accepte de me monter au mirador pour 10 bob. Une fois en haut, on a une vue panoramique de la ville, qui est plutôt ... très moche!

Au retour, je m'arrête dans un café juste pour avoir du wifi. Audrey et Fanny étant sur la Paz, je voulais savoir si nous allions finalement nous voir. Elles me proposent justement d'aller voir les Cholitas (combat de catch féminin en habits de cholitas) ce soir à El Alto, sur les hauteurs de La Paz. Je ne suis pas très enjouée à cette idée car j'ai déjà vu des combats de catch au Mexique et ce n'est vraiment pas folichon, mais en même temps j'ai besoin d'être un peu entourée en ces jours difficiles. Je les retrouve donc en fin de journée après avoir fait mon benchmark des compagnies qui proposent le tour de la route de la mort en vélo que je veux faire le lendemain.


Pour 90 bob, nous partons en bus jusqu'à el Alto puis entrons dans la fameuse salle de catch, exclusivement réservée pour les touristes le jeudi. Si on voulait avoir quelque chose de plus authentique, il fallait venir le dimanche, jour plutôt réservé pour les locaux. Ce soir, il n'y a que de belles brochettes de gringos. Je me sens bien touriste ! Incroyable, je retrouve Flick et son copain, deux anglais que j'avais rencontré au tout début de mon voyage à Ilha Grande avec Marc. Je suis trop contente de les revoir, et on passe le catch ensemble. Bon, le spectacle est bien pourri il faut l'admettre. C'est que du show et c'est très très mal joué. A la sortie, on nous offre un superbe porte clé et on a le droit à une photo avec ces splendides cholitas.

Sur le retour, on s'arrête à un mirador pour observer la Paz de nuit.

Retour à l'auberge, contente d'avoir pu retrouver des amis de voyage.


Le 3 novembre, jour mémorable qui je pense restera à jamais gravé dans ma mémoire. Un condensé d'émotions, d'adrénaline, de partage, de confiance, d'échange, d'appréhension. Bref, un condensé de vie en une journée! 

Ce matin, 8h10, on crie mon nom au petit dej. Qui ose me déranger à cette heure là pendant que je mange? C'est le tour pour la route de la mort qui est en avance. Faudrait savoir, des fois ils ont 1h de retard, et maintenant ils sont 20mn en avance. J'enfile donc mon pancake en deux deux, je packe mes affaires à l'arrache (bon, pas de scoop) et c'est parti pour 2h de minibus avec 3 français qui voyagent ensemble (encore une fois pas de scoop), Constance, Charlie et Toni, de bons parisiens comme je n'aime pas trop en général. Grandes gueules, qui parlent mal .. bon au final ils seront très cool mais pas de là à garder contact après.


Nous arrivons enfin à la Cumbre, le lieu de départ du tour. Nous sommes à plus de 4700m et nous allons descendre jusqu'à 1500m environ en vélo. Pour 350 bob, ce sont 63km de descente à toute allure qui nous attendent (on est jeunes qu'une fois dans sa vie, pas vrai?). Pour cela, il nous faut un équipement qui tienne la route. VTT avec de treeeees bons freins, casque de compet, veste, genouillères, coudières, gants troués (ce qui me vaudra des mains bien gonflées à la fin). Une fois prêts, il faut se lancer. A la queue leuleu, derrière le guide, on commence par 1h de descente sur une route bétonnée. Un deuxième guide nous suit par derrière avec le minivan au cas où il y aurait un accident. Cette première partie sur la route goudronnée est pas mal, ca nous permet de nous familiariser avec notre vélo et ses super freins.


Seule petite partie délicate: on esquive un tunnel sur la droite et on passe par un chemin de pierres bien casse gueule, mais le guide ne nous prévient pas. Un seul coup de frein et c'est le dérapage assuré. Alors pas le choix, on fonce et on en sort sains et saufs! Ca promet pour la suite! Après cette 1e heure, on remonte dans le minivan pour 8km de montée (on allait pas non plus faire du vélo en montée non mais oh!).


Ensuite, nous commençons réellement la route de la mort à proprement parlé. Pourquoi la route de la mort? Oh simplement car il y a eu plein d'accidents mortels sur cette route de pierres qui est très étroite (6m de large je dirais) qui longe un précipice de 400m. Vous inquiétez pas, je suis en vie si je vous raconte tout ca maintenant! Je commence à flipper un peu plus mais je me laisse porter par l'attraction touristique. Je ne sais pas combien d'agences font ce tour, mais c'est une autoroute de cyclistes touristes ici! Et nous sommes chanceux, nous ne sommes que 4, la plupart des groupes sont plutôt une quinzaine. 


Je disais donc, on commence la partie fun et plus dangereuse du tour! On enchaine les virages (peu contrôlés), on passe sous des cascades, on roule, on roule, on roule.. vite!! On double pas mal de groupes, je pense que l'on est vraiment rapides. Pas forcément rassurant mais au moins, on ne doit attendre personne, c'est cool. Je manque de tomber une bonne paire de fois mais je résiste! On s'arrête toutes les 5-10mn pour admirer la vue sur ces immenses montagnes vertes, on se croirait dans le jungle avec plein de bananiers, de fougères. Les cigales chantent, on est bien! Heureusement que l'on s'arrête souvent, car c'est bien physique et on a pas le temps de regarder le paysage quand on roule, car on est concentrés sur toutes les pierres que l'on doit éviter. 

Après la partie la plus dangereuse, on fait une pause pour ceux qui veulent faire de la tyrolienne. Je passe mon tour, j'en ferai au Pérou. Je retrouve les deux francais avec qui j'avais fait le free walking tour de la veille. Je ris d'Antoine qui a réussi à tomber, et apparemment ce n'est pas le seul du groupe. Je touche du bois (pas pour longtemps). 


On repart pour la dernière partie, en théorie plus simple et un peu plus plate. Sauf que du coup, tout le monde accélère et devient de moins en moins prudent. Et bim ! A 3mn de la fin, Marion freine dans un virage qu'elle prend à toute blinde, et hop, dans la montagne. Rien de grave, mais je me suis quand même trouée le legging, bien égratinée la jambe droite et je pense avoir un peu tiré sur le ligament de ma hanche gauche. Je fais moins la maligne quand je remonte sur mon vélo, mais on arrive enfin. Je suis assez douée pour me faire mal quelques minutes avant la fin des excursions! 


Heureusement, nous attend une session douche / piscine / buffet amplement méritée dans un hotel à 10mn de là. Oh, la douche qui fait du bien à mes petits muscles, puis la piscine pour se détendre et se rafraichir! A 1500m, il fait une chaleur de bête, et on a sué comme des petits cochons, alors c'est juste parfait! S'en suit un repas buffet qui fait plaisir, ca y est, on se sent revivre! 


On ne traine pas trop, j'ai un bus qui est censé partir vers 16h30 pour Rurrenabaque de Yolosita, un petit village pas loin de là. L'agence me laisse sur le bord de l'unique route du micro village vers 15h40 (je compte pas plus de 30personnes), à côté du commissariat de police. Je me dis c'est bon, j'ai qu'à attendre le bus 45mn et ca ira! 1h plus tard et toujours pas de bus.

Bon.. un bolivien d'une cinquantaine d'années, grosse jeep flambant neuve, petite chemise bien repassée, s'arrête et me demande si j'ai besoin d'aide. Je le remercie, mais non je gère. Il s'en va, mais 10mn plus tard revient et me dit qu'il est papa, qu'il a des enfants de mon age, qu'il se sent responsable et m ne peut pas me laisser toute seule ici alors qu'il va bientot faire nuit. Il me propose de m'emmener dans un vrai village où il y aura une vraie station de bus et où je pourrai attendre sereinement mon bus jusque Rurrenabaque. J'hésite un peu, méfiante comme toujours, mais je finis par accepter car tout compte fait, c'est pas tellement mieux d'attendre dans ce petit village très pauvre toute seule. Dans la voiture, je suis vite rassurée. Il me raconte qu'il a été marié à une francaise, qu'il a deux enfants qui parlent donc couramment francais, une fille qui est à McGill à Montreal et un fils qui étudie la cuisine au Pérou (rien que ça). Lui s'en allait pour le weekend dans sa petite cabaña de vacances au milieu de la nature à Coroico. Je me détends donc et on commence à discuter de plein de sujets très intéressants: la politique corrompue en Bolivie, les rituels de superstition envers la Pachamama des boliviens, de la culture de la coca et de toute la jungle qu'ils brulent pour y faire pousser cette plante... le temps passe vite et je me demande en fait à combien de temps est le village où il veut me laisser. Et bien à 1h30 de là, mais oui! Je ne me doutais pas qu'il allait m'avancer d'autant!! Bon au final je suis bien installée, dans son 4x4 pour affronter les routes de pierre toutes pourries qui longent le précipice. Mieux qu'en bus! On fait meme une pause et m'offre gentiment une bière alors que je ne voulais rien. Après 1h45 de route, on arrive enfin au lieu dit, Caranavi. Adorable, Luis, ma bonne étoile, m'accompagne d'abord à la gare et négocie le prix du billet pour moi.. 45bob = 6euros, qui dit mieux pour aller en Amazonie (vs 80 euros en avion)? Puis, il m'achète par surprise une carte sim locale et me donne son numéro au cas où il m'arrive quelque chose, et finit par me donner des ibuprofene au cas où ma jambe me fait trop mal. Un ange gardien ce Luis! Je suis un peu triste de le voir partir ensuite et ne sait comment le remercier. C'est rare des gens qui ont aurant le coeur sur la main de nos jours. Et dire qu'après m'avoir laissé vers 18h45, il devait encore faire 2h de route pour retourner à sa cabaña de Coroico. Wow! 


Me voilà donc seule à la gare, je dois attendre encore 1h que le bus arrive. Je me balade rapidement dans la rue et tout le monde me regarde comme un extraterrestre. Qu'est ce qu'une touriste blonde et immense vient faire ici?? Du coup, je souris à tout le monde, ca ne peut pas faire de mal. Je discute avec des petits enfants curieux lorsque je m'achète une glace, et j'obtiens même un sourire de leur maman (et dieu sait que c'est rare en Bolivie!). Dans la gare, je m'amuse également à regarder un petit garçon qui apprend tout juste à marcher avec des chaussures qui font du bruit quand il marche. J'essaye d'entamer une discussion avec lui qui me fixe éternellement (et qui ne parle pas encore évidemment), et une dame d'environ 70 ans, avec tout l'accoutrement traditionnel bolivien riera doucement avec moi et me touchera quelques mots. C'est plaisant de sentir un peu de douceur des boliviens, et c'est l'avantage de voyager seule. Au final, le bus arrive à l'heure, mais ne partira que 40mn après.

Et vas y que je te remplis le réservoir d'essence 10mn apres avoir démarré, juste à côté de moi, je sens que c'est bouillant, sympa la sécurité! 


Le trajet sera moins chaotique que ce que je pensais au final (même si je sens passer les virages à gogo), et j'arriverai vers 4h30 du matin à Rurrenabaque, dur dur. Je n'ai réservé aucun hostel pour la nuit car je pensais que nous arriverions plus tard. J'embarque sans trop comprendre dans une charrette tirée par une moto, et je lui demande de me laisser à l'hostel que j'avais booké pour le lendemain, en espérant que celui ci soit ouvert 24h/24 et qu'il y ait encore un lit de dispo. Oufffff, il y a quelqu'un, et il reste un lit dans une chambre ! J'ai de la chance, en plus, ils ne me feront même pas payer cette nuit ni le petit dej du lendemain ! Allez, dodo bien mérité !