On embarque directement de Rurre dans une pirogue plus élaborée que dans la pampa pour 3h de navigation au sein du parc Madidi. Changement de paysages radical. Désormais, les plaines ont laissé place à de belles montagnes denses et vertes.

La végétation est similaire désormais à ce que l'on voit dans les documentaires à la télé. Des palmiers, de grands arbres verts, on ne distingue rien au loin tellement c'est dense.

La balade est agréable, on a le droit au coucher du soleil depuis le bateau.

J'apprends à connaitre Paulina, qui voyage pour 1 mois en Bolivie, à la base pour voir un de ses amis boliviens à Santa Cruz. Le reste du temps, elle voyage donc seule et s'est autorisée ces 3 jours dans la jungle. Elle étudie les mathématiques et ne parle presque pas espagnol mais on sent qu'elle a la motivation d'apprendre. On arrive entre chien et loup au lodge de base. Il est déjà plus sommaire que celui de la pampa et reste encore en construction.

On a le droit à une douche à peine amménagée et des toilettes sèches à 50m du lodge qui font bien peur dans le noir. Comme le cuisinier n'est jamais apparu (oui nous avons fait un stop en bateau pour aller le chercher mais il n'etait pas là, normal), c'est Edwin qui sera notre guide et cuisinier pendant ces 3 jours. Une grosse platrée de pâtes et on va se coucher directement après. Demain l'aventure commence. 


Mercredi, petit dej à 8h, et on nous annonce gentiment qu'il faut qu'on fasse nos sacs, et qu'en plus de nos affaires, il faut rajouter des draps, une moustiquaire et 2L d'eau. Ah... c'est génial j'ai un sac de 20L qui est déjà rempli rien qu'avec mes habits. Bon, on finit par s'arranger avec Paulina et on arrive à tout faire rentrer. Une fois prêts, on part dans la jungle pour une marche matinale de 3h jusqu'à notre campement pour la deuxième nuit.

Il fait super beau, mais il fait également super chaud! Heureusement, dans la jungle, il y a de l'ombre, sinon cela aurait été fatal. Edwin, natif du coin et passionné par son métier, nous raconte arbre après arbre, fruit après fruit, champignon après champignon, et insecte après insecte, leur fonction dans la nature.

On apprend tellement de choses! Nous découvrons tout d'abord différents champignons comestibles et d'autres hallucinogènes. Puis, il s'arrête tous les trois arbres pour que nous connaissions: 

-l'arbre ajo ajo qui sent l'ail et dont on peut poser l'écorce sur les piqures de moustiques pour nous apaiser

-l'arbre qui donne le lait de la nature

-les lianes qui contiennent de l'eau potable pour l'homme

-les fruits qui servent de savons dans la jungle, et qui contiennent une graine utilisée pour faire des bijoux

-l'arbre qui produit de la colle

-la plante qui te redonne de l'énergie quand tu renifles ses racines 

-l'ecorce que tu mets dans ton thé quand tu as des maux d'estomac

-les fourmis rouges qui, si tu les touches, peuvent te faire passer un sale quart d'heure 

-le seul arbre qui marche, qui peut se déplacer de 4m par an

-la fourmis royale qui est mortelle

-l'arbre eponge qui, une fois gorgé d'eau, tombe à la renverse et meurt

Et j'en oublie des dizaines d'autres surement! C'est fou tout ce qu'on peut faire avec des plantes en Amazonie! C'est leur pharmacie à ciel ouvert. 

Sur le chemin, nous croisons pas mal d'araignées colorées plus ou moins dangereuses

(dont j'ai mangé beaucoup, beaucoup de leurs toiles, bah oui c'est ca de faire 1,84m), une petite tortue bloquée sur le dos,

des traces de jaguar,

un joli oiseau coloré et c'est à peu près tout. 

On arrive au campement le midi, avec une grande hâte de vider nos sacs qui commencent à peser sur nos épaules.

Le campement est très très primaire. Il se situe au bord de la rivière, il y a un genre de cuisine fermée par des moustiquaires, un petit coin feu et un espace camping qui se résume à un toit troué de partout avec une bache au sol. Et pour les toilettes, toilettes sèches bien sur! On va bien dormir! 

Edwin nous prépare de la viande et du riz au feu de bois pendant que l'on s'attaque à la salade.

Je lave alègrement les tomates à l'eau insalubre et je n'enlève pas la peau sinon ce n'est pas drole, ce qui me coutera cher par la suite. Une fois repus, on laisse toutes nos affaires sur place et on repart se balader dans la jungle sous ce soleil de plomb. Nous aurons le droit à un camouflage naturel fait à base de feuilles, qui, pressées, donnent un jus violet que l'on s'applique comme des enfants sur le visage.

A ce moment même, un dérivé d'abeille me pique le dos, moment pas très drole mais qui passe rapidement. On s'enfonce toujours plus dans la jungle (je ne sais pas comment Edwin se repère dans cette végétation immense), et Edwin continue à couper avec son gros couteau toutes les branches qui nous empêchent d'avancer, tel un vrai amazone. On goûte la fameuse eau potable des lianes, ca ressemble à de l'eau de coco c'est bon!

Dernier atelier ludique de l'apres midi: il nous découpe des petits pics d'un arbre et nous les colle avec la colle naturelle d'un arbre pour nous faire des boucles d'oreille. On est mignonnes maintenant!

Je demande à Edwin de finir l'après midi au bord de la rivière pour voir le coucher du soleil. Ca fait du bien de se poser un petit peu. Bon, il n'y a pas vraiment de coucher du soleil mais c'est paisible. 

Retour au campement où l'on prépare nos supers lits, à savoir un matelas de sol de 2mm d'épaisseur et de 50cm de large avec un drap et une moustiquaire pour entourer nos couchages. Le luxe! 

Pendant qu'Edwin nous prépare des pâtes, on part pêcher des piranhas avec Paulina. Etonnement, ils sont beaucoup plus voraces que dans la pampa, ca mord sec! J'en pêche un, puis quelques temps après Paulina aussi, ce qui nous suffit pour ce soir. De plus, les moustiques commencent à sérieusement nous attaquer, il est temps de s'abriter. Après le repas, Edwin tient à nous faire partager une cérémonie qu'il fait tous les jours pour la Pachamama. On se met près du feu de bois, il creuse un petit trou dans la terre, y dépose une bougie et des feuilles de coca, deux cigarettes allumées de chaque côté (censées représenter la Pachamama d'un coté et nous de l'autre), et commence sa prière envers la Pachamama. Il la remercie d'abord pour la journée ensoleillée et chanceuse que nous avons eu dans la jungle. Puis il lui demande sa bénédiction pour demain, pour qu'il ne pleuve pas et qu'on voit plein d'animaux. Enfin, tour à tour nous devons remercier la Pachamama, ajouter une feuille de coca dans le trou, mettre un peu d'alcool à 96 degrés sur celle ci et en boire un shot. A la fin, si les cigarettes se sont consummées en entier sans s'éteindre, c'est que nous avons de la chance. Apparemment, c'est le cas donc. Après ce rituel un peu particulier, la soirée n'est pas finie. On part pour une expédition nocturne, c'est bien flippant! Armés de nos lampes frontales, on s'aventure de nouveau dans la jungle pour y découvrir la vie de nuit. Nous verrons beaucoup d'araignées et de grenouilles mortelles, ca rassure. On trouve ensuite un insecte en transformation, qui se camoufle avec des feuilles pendant la nuit c'est assez fou.

On cherche ensuite des serpents mais nous n'en trouvons pas. Au bout d'une demi heure, on s'asseoit sur un tronc et Edwin nous demande d'éteindre les lampes torches. Alors là, c'est méga flippant. C'est le noir total, on ne voit absolument rien mis à part le ciel étoilé au dessus de nous et des petites lucioles qui scintillent de temps à autre. On entend les grenouilles qui appellent la pluie, des bruits d'insectes, et c'est tout. J'ai peur qu'à tout moment un jaguar surgisse de nulle part sans que l'on ait le temps de réagir! Au final, c'est agréable et même apaisant. 10mn, on rallume les lumières et on rentre au campement. L'heure fatidique de dormir au milieu de la jungle à même le sol a sonné! Youpi! Chacun tue les quelques moustiques qui ont réussi à s'infiltrer dans la moustiquaire lors de l'installation des suites nuptiales, je rajoute ma serviette de bain en guise d'oreiller, et puis j'essaye de dormir. Au final, je ne dormirai pas si mal que ça, mise à part les quelques fois où je me suis réveillée pour gratter mes 200 piqures de moustiques. Ca devient très compliqué! 


Jeudi, réveil un peu difficile. J'avoue que j'ai connu mieux comme matelas et comme confort de manière générale. Je prends le temps de reprendre mes esprits avant de daigner me lever.

Petit dej à base de crackers-confiture, et de thé avec de l'eau de la rivière. Ca aussi c'est le luxe. Manque de bol, il se met à pleuvoir. On range tout notre campement dans la précipitation avant de reprendre la route dans la jungle. Avec Paulina, nous étions motivées pour pousser le défi encore plus loin et dormir au sein de la jungle, sans campement, et à construire nous même notre cabane. Sauf qu'avec les pluies torrentiellent qui commencent à s'abattre sur nous, on se dit que c'est vraiment vouloir se tirer une balle dans le pied. Je me vois mal dormir avec 30cm d'eau sous mes pieds. On rentre donc au lodge à 3h de là, et on se prend de la flotte, de la flotte et encore de la flotte. Nous croisons un groupe d'une vingtaine de cochons, des chanchos, qui nous font bien peur car ils commencent à faire du bruit avec leur grouin, nous menaçant de nous charger. Le guide nous rassure peu: "si ils nous chargent, montez dans les arbres". On repart "doucement" sauf qu'avec la panique on fait un bruit de fou, mais heureusement ils nous laissent tranquilles. Plus tard, Edwin entend un jaguar. Je dis bien Edwin car avec la pluie et nos capuches sur la tête, nous n'avons strictement rien entendu avec Paulina. Au bout de 3h, je suis à un stade de désespération totale avec la pluie qui n'arrête pas de s'infiltrer dans mes bottes. On arrive enfin, trempés jusqu'aux os. Le dej chaud va nous faire un bien fou. On rencontre à ce moment là Denise, une suédoise trop mignonne de 20 ans qui est sur la fin de son voyage de 4 mois. Après le repas, je commence à me sentir vraiment mal. Je dors toute l'apres midi mais ca ne va toujours pas mieux. Je suis super faible, incapable de tenir debout, avec des nausées, des vertiges, un mal de crâne.. bref pas le top. Je réussis tout de même à faire la balade nocturne avec Edwin et les filles, mais avec beaucoup de peine. On a cherché en vain à faire sortir des tarantulas de leurs terriers, mais il ne fait pas assez noir. J'arrive presque à en faire sortir une, c'est flippant elles sont énormes! Quand on a finit de faire mumuse avec les araignées, on rentre dans le noir au lodge. Après le diner, de nouveau je ne tiens plus debout. Pas de pêche pour moi ce soir, je reste couchée au lit. Edwin vient me faire un massage avec la cuisinière, en implorant la Pachamama de me guérir. J'ai l'impression d'être sur mon lit de mort en entendant ces rituels, c'est assez prenant! J'ai de la fièvre, j'espere que demain je pourrai repartir de plus belle. Dans la nuit, je me réveille non pas de douleur mais car j'entends un animal qui gratte mon paquet de cookies. Je réveille Paulina qui m'aidera à mener mon enquête et retrouvera le coupable: une petite souris! 


Vendredi, je ne vais toujours pas mieux. Nous devions faire une nouvelle balade dans la jungle mais j'en suis incapable. Je me rendord jusqu'en fin de matinée, jusqu'à ce que l'atelier artisanat commence. Je suis bien déterminée à faire ma propre bague et mon propre collier avec des fruits et des graines de la jungle. On ponce, on perce les graines, ca prend forme. Mais impossible pour moi de finir les bijoux, je dois retourner me coucher. Edwin, trop chou, me finira mes bijoux.

Après le repas du midi, on repart direction Rurrenabaque car je ne me sens toujours pas bien, il faut que j'aille voir un médecin.

Sur la rivière, nous croisons des indigènes qui vivent encore dans la jungle, sur leur bateau plein de bananes (il reste encore 32 communautés qui vivent dans la jungle de Madidi). Ils nous demandent d'emmener une dame d'une cinquantaine d'années qui perd énormément de sang.. c'est bizarre. Une fois arrivés, je vais à la pharmarcie pour avoir une super prise en charge: paracétamol et vitamines pour Bibi. Je pars ensuite à l'hopital avec quelqu'un de l'agence Escorpion car je pense que c'est tout de même plus grave que ca. La médecin me demande de faire des prises de sang et de revenir. Apparemment, j'ai une infection virale qui serait due à la dengue ou au chicungunya. Je suis pas super convaincue mais bon.. je demande au passage ce qu'il est arrivé à la dame qui perdait du sang sur notre bateau. Elle avait en fait été violée il y a 5 mois, était tombée enceinte, et son violeur l'ayant tellement battue, elle était en train de perdre son bébé dans le bateau. L'horreur. 

Zamir me raccompagne à l'hostel où je me repose. Le soir, je propose à Zamir et Edwin de manger ensemble. Soupe de poulet pour moi, j'en ai marre mais c'est comme ca. Je ne tiendrai pas jusqu'à tard, et cela sera d'autant plus raccourci quand je comprends que Zamir n'a pas les mêmes attentes que moi pendant cette soirée. A 23h, une autre médecin vient me faire une transfusion que je dois garder pendant 3h, c'est impressionnant, je suis avec ma poche au dessus de mon lit et ma seringue dans la main. J'essaye de dormir, puis à 2h le fils de la médecin viendra me retirer l'aiguille. Je peux enfin dormir tranquille, enfin si j'oublie les insectes qui me tombent dessus. Il est temps de partir de l'Amazonie. 


Samedi, j'ai mon avion à 11h. Je sens que je vais subir ma journée car je suis super super mal. Je vomis même 5 mn avant de monter dans le taxi, ca promet. Je retrouve à l'aéroport le couple d'australiens avec qui je suis allée dans la pampa, ca me fait plaisir de ne pas être seule. Epuisée, je m'endors dans la salle d'attente. L'avion a 1h30 de retard, c'est vraiment pas mon jour. L'avion est tout petit, il y a 50 places max. Nous n'avons que 40mn de vol mais c'est déjà beaucoup trop long. A la sortie, je revomis, et le voyage ne fait que commencer. On prend un taxi à 5 jusqu'à la gare de La Paz, où je prends un bus pour Copacabana. 4h .. boum. Je pensais en avoir pour 2h. Ca me semble très compliqué vu mon état. Et en plus, il n'y a pas de toilettes. Je vais passer 4h dans les virages à tenter de rester éveiller pour me concentrer sur la route, mon sachet à la main au cas où. Je vais arriver en vie jusqu'au centre de Copacabana, mais épuisée physiquement et moralement.